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     ::. LES DOSSIERS 
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      Biocarburants
      après l'or noir, voici l'or vert ?
      Les biocarburants seront-ils l'énergie de demain ? Face à un prix 
      du pétrole qui ne cesse d'augmenter, avec en ligne de mire 
      l'appauvrissement des réserves, et face à une prise de conscience de la 
      dangerosité des gaz à effet de serre, le développement de cette filière 
      semble prometteur.
       
      Qu'est ce qu'un biocarburant
      En lieu et place du terme générique de "biocarburant", on devrait 
      utiliser le terme de "carburant d'origine agricole", voire de "carburant 
      d'origine végétale". En effet, un biocarburant est un combustible liquide 
      obtenu à partir de cultures ou de déchets végétaux. Il existe trois 
      grandes filières de biocarburants :
      
        
         Les combustibles obtenus à 
        partir de cultures oléagineuses, essentiellement le colza et le 
        tournesol. On en tire l'huile qui, après filtration, s'utilise 
        directement comme carburant dans un moteur diesel, sans modification de 
        ce dernier. Les seuls problèmes que pose l'huile végétale sont dus à sa 
        viscosité plus grande que celle du gasoil, il est donc préférable de la 
        chauffer pour la liquéfier (en 1910, l'inventeur Rudolf Diesel 
        présentait déjà un moteur fonctionnant à l'huile de lin). Ces huiles 
        sont aussi transformées en EMHV (ester méthylique d'huile végétale), 
        obtenu après mélange avec de l'alcool méthylique. L'EMHV (autrement 
        appelé diester) est rarement utilisé pur, mais souvent par incorporation 
        au diesel.
  
        - Les combustibles obtenus à partir d'alcools (méthanol, 
        éthanol). A l'origine de ces derniers on trouve les cultures sucrières 
        (betterave, canne) et celles qui donnent de l'amidon (le blé par 
        exemple), lequel amidon, par hydrolyse, donne ensuite du sucre. 
  Ces alcools peuvent être utilisés purs 
        comme au Brésil, une voiture commercialisée sur deux est bi-combustible 
        (fonctionnant aussi bien à l'essence, qu'à l'alcool, ou qu'à un mélange 
        des deux). L'alcool peut également être transformé en incorporant un 
        produit pétrolier obtenu en raffinerie, l'isobutène, ce qui donne ETBE 
        (Ethyl Tertio Butyl Ether), dans ce cas aucun changement de moteur n'est 
        requis.
  
         - Les 
        combustibles obtenus à partir de méthane. Ce dernier est contenu 
        dans le biogaz résultant de la fermentation de n'importe quelle matière 
        organique : déchets alimentaires, déchets de bois, paille, et bien 
        sûr produits des cultures. Lors de la décomposition de ces matières, 
        50 % à 90 % du biogaz produit sont du méthane. Ce méthane peut 
        s'utiliser pur (comme le gaz naturel véhicule, GNV) ou servir à 
        alimenter un procédé industriel de fabrication de combustibles liquides 
        à partir de gaz (1). 
        
  
      Actuellement, deux familles de biocarburants se partagent le haut du 
      pavé en France : l'huile sous forme d'EMHV, appelé plus communément 
      diester, et l'alcool sous forme d'éthanol.
       
      Les atouts des biocarburants
      La théorie valide l'optimisme et les espoirs engendrés par les 
      biocarburants. L’utilisation d’huile pure de colza ou de tournesol à la 
      place du gazole permet en effet une réduction des trois quarts des gaz 
      à effet de serre émis pendant l’ensemble du cycle de vie du 
      carburant, de sa production à sa combustion, pour un même contenu 
      énergétique. Celle de l’éthanol pur, à la place de l’essence, permet une 
      réduction de 75 %. | 
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  Par opposition aux rejets massifs de CO2 des 
      énergies d’origine fossile que rien ne compense et qui sont libérés lors 
      de la combustion d'essence ou de gazole, le CO2 émis par les 
      biocarburants durant leur combustion est compensé par le carbone absorbé 
      par les plantes (colza, tournesol, etc.) durant leur phase de 
      végétation. C'est ce rapport entre le CO2 retenu par les végétaux et 
      le CO2 émis lors de la combustion qui explique la réduction des émissions 
      de gaz à effet de serre. De plus, durant la combustion, ces carburants 
      verts ne dégagent ni particule ni ozone ni souffre.
      La production des biocarburants nécessite moins d’énergie non 
      renouvelable que celle des carburants classiques. À énergie restituée 
      identique, il faut environ trois fois moins d’énergie non renouvelable 
      pour produire les esters méthyliques de colza et de tournesol que pour 
      produire un litre d’essence. Il en faut aussi deux fois moins pour 
      l’éthanol de blé ou de betterave et cinq fois moins pour les huiles pures. 
      Les biocarburants sont produits directement sur les territoires nationaux, 
      il n'y a donc pas d'importation ce qui limite les transports et la 
      pollution qu'entraîne ce secteur. Ainsi, la production 2003 de 
      biocarburants correspond à une économie d’énergie non renouvelable nette 
      de l’ordre de 220 000 tonnes équivalent pétrole. De plus que ce 
      soit lors de la récolte, du stockage, de la livraison ou de l'utilisation 
      des biocarburants, les risques de pollution sont limités.
      
       
 
 
 
      Les biocarburants émettent moins de gaz à effet de serre 
      que l'essence et le gazole
  (source IFEN)
      
 
 
 
 
      Au-delà de cet aspect environnemental, les biocarburants contribuent 
      également à la réduction de la dépendance énergétique des pays, une hausse 
      de la production permettant de réduire les importations de 
      pétrole. Enfin pour ce qui est de la France, selon un rapport présenté 
      à l'Assemblée Nationale, le développement de la production de 
      biocarburants sur le territoire serait un moyen de créer ou de maintenir 
      des emplois en milieu rural, environ 4 000 emplois à l'heure 
      actuelle.
       
      Le marché français boude les biocarburants
       Le pétrole fournit actuellement 98 % de 
      l'énergie consommée par les transports. Pourquoi, dans ce secteur, 
      pourtant si demandeur, le marché des biocarburants ne décolle t-il 
      pas ? La réponse est simple : le frein 
      économique. Les biocarburants sont plus onéreux à produire que les 
      carburants classiques, en moyenne la production d’un litre de biocarburant 
      coûte environ 45 centimes d’euros contre 23 centimes pour un litre de 
      carburant d'origine pétrolière. La flambée progressive du prix du pétrole 
      tend néanmoins à infirmer cet état de fait. A partir d'un baril à 
      75 euros, le coût de production d'un litre de biocarburant est 
      équivalent à un litre de carburant d'origine pétrolière.
      En matière de développement des biocarburants, le Brésil et les 
      Etats-Unis sont en tête. Le premier produit la moitié de la production 
      mondiale d'éthanol (soit plus de 8,5 millions de tonnes/an) et le 
      second 43 %. Le parc automobile brésilien comprenait, en 2004, 
      3 millions de véhicules fonctionnant à l'éthanol pur et 
      16 millions fonctionnant au mélange éthanol et essence sans plomb. La 
      consommation globale d’éthanol en tant que carburant s’élevait alors à 
      environ 10 millions de tonnes en 2003, soit près de 40 % de la 
      consommation nationale de carburant (hors diesel).
      En comparaison de ces deux mastodontes du biocarburant, l’Europe 
      présente un énorme retard. En France, la place faite aux 
      biocarburants - 400 000 tonnes par an depuis 5 ans - semble ridicule 
      mise en parallèle avec les quantités de pétrole mis sur le marché pour le 
      secteur des transports : 90 millions de tonnes en 2004.
 
        
      En pratique, quasiment aucun véhicule ne roule à 100 % aux 
      biocarburants en France. Prenons l'exemple du diester, il n'est utilisé 
      qu'incorporé au gazole. Officiellement, la France a opté pour cette 
      "stratégie du mélange" pour éviter toute modification moteur et ainsi ne 
      pas avoir à changer son parc automobile, officieusement on peut penser que 
      le lobbying pétrolier n'est pas pressé de voir ce concurrent débarquer sur 
      le marché. Notons qu'en Allemagne et en Autriche, la fiscalité incite à 
      utiliser au contraire le diester pur. En attendant, en France, le diester 
      peut être incorporé à 5 % dans le gazole commercial et jusqu'à 
      30 % dans certains parcs spécifiques (transport urbain, etc.). 
      L'incorporation de 30 % de diester dans le gazole permet de réduire 
      de 10 % le taux de rejet de CO2 et de monoxyde de carbone et de 
      20 % celui des particules. La consommation de biocarburants en 2004 a 
      ainsi permis d'éviter l’émission d’un peu plus d’e un million de 
      tonne équivalent CO2.
      
       
 
 
      Le taux d’incorporation européen à la pompe est encore loin de 
      l’objectif visé
  (Source : Comité professionnel du pétrole 
      - Observatoire de l'énergie)
      
 
 
 
      L'Etat français entend 
      améliorer la situation, le ministère de l'agriculture se disant prêt à 
      encourager les recherches notamment sur l'ester méthylique d'huiles 
      animales (2) 
      et sur les biodiésels de synthèse. Une première flotte de véhicules 
      flex-fuel devrait être mise en circulation cette année à titre 
      expérimental, leurs moteurs fonctionnant aussi bien avec de l'essence 
      normale qu'avec de l'essence à 85 % d'éthanol. Rappelons qu'au 
      Brésil, ces moteurs dits "flex-fuel" sont commercialisés depuis des 
      années. Le terme "expérimental" semble donc ici totalement 
      déplacé. Cette frilosité du gouvernement français s'expliquerait-elle 
      par la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) imposée à 
      l'essence actuelle ? Y aurait-il des réticences à voir diminuer cette 
      tirelire géante ? En tout cas, en 2003 le biodiésel vendu a rapporté 
      17 millions d'euros de TIPP, contre 141 millions d'euros pour 
      les mêmes volumes de diesel classique : le manque à gagner est donc 
      de 124 millions d'euros.
      
      
        
        
          
            Bien que la France se targue de vouloir 
            promouvoir les biocarburants, rappelons qu'il est illégal de vendre 
            ou d'acheter de l'huile végétale, dans le but de l'utiliser comme 
            carburant ou en additif à un autre carburant, sans s'acquitter de la 
            TIPP. Des procès ont déjà eu lieu et des condamnations ont été 
            prononcées contre des associations à but non lucratif pour 
            "non-acquittement de la TIPP". L'exemple de la société VALENERGOL SARL est le plus 
            caractéristique : pour avoir commercialisé 10 000 litres 
            d'huile de tournesol pure, à des fins de carburation, elle s'est vue 
            exiger la taxe imputable aux produits 
            pétroliers ! |     
       
      Le développement des biocarburant peut-il rimer avec la préservation 
      de l'environnement ?
      Si en France, en 2004, 301 000 ha ont été consacrés aux 
      biocarburants, leur prochain développement pourrait rapidement voir 
      doubler les surfaces agricoles nationales consacrées à la production des 
      cultures énergétiques. La quasi-totalité de ces 301 000 ha 
      ont été pris sur des terres consacrées à la jachère. En 1999, 
      1,5 million d’hectares a été mis en jachère en France par la PAC 
      (politique agricole commune), qui autorise néanmoins (jusqu'en 2013), 
      l'exploitation de ces terres à des fins "non alimentaires". C'est la voie 
      royale pour les biocarburants, et pour un paradoxe… ...En effet, 
      empiétant sur les terres réservées à l'origine à la jachère, ces cultures 
      entraînent une nouvelle source de pollution venant se rajouter à 
      l'existante. Une trop forte utilisation d’engrais ou de pesticides 
      dans la conduite de ces cultures énergétiques et un renforcement de 
      l’irrigation augmentent les impacts négatifs de l’agriculture sur la 
      biodiversité, la qualité des sols et la ressource en eau. Soulignons 
      également que plus de la moitié de l’énergie fossile (pétrole, gaz) 
      utilisée pour l’agriculture, soit 2,5 % de l'énergie fossile 
      consommée en France par an, sert à la fabrication des engrais.
      Pour l'heure, 5 régions de la moitié Nord du pays totalisent 60 % 
      des cultures énergétiques françaises. Quatre sites sont en mesure de 
      réaliser l'estérification des huiles et 4 autres sont spécialisées dans la 
      production d'ETBE. Six nouvelles usines devraient êtres construites d'ici 
      2007 pour répondre à une demande grandissante.
      
        Cinq régions de la moitié nord totalisaient 60 % des 
      cultures énergétiques de la France en 2004 (source 
    IFEN)
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      et demain...
      Si demain, pour endiguer les émissions de gaz à effet de serre, 
      nous décidions de tous rouler aux biocarburants, ces derniers devraient se 
      substituer au pétrole et à ses dérivés dans le secteur des 
      transports.
      
      En 2004, la consommation mondiale de pétrole dans les transports 
      routiers atteignait 1,5 milliard de tonnes. Il faudrait donc fournir 
      1,5 milliard de tonnes d'équivalent pétrole par an, sans compter 
      l'augmentation de la demande d'énergie. Si on prend l'exemple de la 
      culture de betterave, un hectare produisant en moyenne 2 tonnes 
      d'équivalent pétrole par an, il faudrait consacrer 525 millions 
      d'hectares soit 1/3 de la surface agricole mondiale 
      (1,5 milliard d'hectares) à cette filière biocarburant.
      A l'heure où la faim dans le monde est loin d'être endiguée, n'est il 
      pas préférable de réserver ces terres en priorité à la production 
      alimentaire ? Même si on peut imaginer encore étendre les terres 
      agricoles en Amérique latine, en Afrique subsaharienne et dans certains 
      pays d’Asie de l’Est, il n’existe pratiquement plus de terres pouvant être 
      exploitées à des fins agricoles en Asie du Sud-Est, au Proche-Orient et en 
      Afrique du Nord.
      
      (1) La liquéfaction du 
      méthane nécessite l'élimination des impuretés susceptibles de geler, comme 
      l'eau, le dioxyde de carbone, le soufre et certains des hydrocarbures les 
      plus lourds. Le gaz est ensuite réfrigéré à -162 °C environ sous 
      pression atmosphérique afin de condenser le méthane en liquide - retour 
      article (2) L'Ester 
      méthylique d’huile animale est obtenu en remplaçant l’huile végétale par 
      de l’huile issue des graisses animales (filière équarrissage). Filière 
      industrielle inexistante en France, mais déjà présente dans certains pays 
      européens - retour 
      article
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